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Chapitre 16 - Rencontre ratée

Aslinn

- Alors ? Que s'est-il passé ? me demanda Rosheen en m'observant passer l'entrée de la salle de danse.

 

Je nage rapidement jusqu'à elle. Je ne sais pas du tout quoi penser… Je suis si déçue de n'avoir pu lui parler, d'avoir dû une fois encore retourner à l'océan sans un mot échangé. Quant à l'humain qui m'a parlé, il me laisse plus perplexe encore. Qui était-il ? Je me souviens de lui. L'homme rencontré sur la plage le jour de mon quinzième anniversaire ! Mais que faisait-il là ? Je ne comprends rien.

 

- Aslinn ? Insista ma sœur, visiblement déstabilisée par mon silence.

 

Je cherche un moment mes mots, avant de me lancer dans les explications qu'elle attend de moi.

 

- J'ai été au château, je suis allée dans la crique, et j'ai même vu le jeune homme, mais je n'ai pas pu lui parler. Oh, Rosheen ! J'étais à quelques mètres de lui et je n'ai pas osé. J'ai trop attendu et lorsque je me suis avancée, il n'était déjà plus là…

 

Je sens ma gorge se serrer en prononçant ces dernières paroles. L'amertume est encore fermement ancrée dans ma poitrine. Je m'en veux tellement ! Quand le reverrai-je ? Et si j'avais laissé mon destin filer pour toujours ?

 

- Il n'a pas pu te voir ?

 

- Non… à la place, j'ai rencontré un autre homme, celui de la plage à cause duquel notre père a été si furieux le jour de mon anniversaire… Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il faisait là ! Pourquoi n'ai-je pas plutôt rencontré le Prince… je soupire en passant mes doigts à travers mes cheveux.

 

- Le Prince ? Aslinn, je ne te suis pas, me reprit Rosheen le visage plein de perplexité.

 

- Oui, le jeune homme, il est Prince… Méallan, c'est son prénom, c'est ce que m'a dit l'autre humain ! Mais comment vais-je faire pour le revoir ?

 

Je me mets à nager tout en parlant, cherchant des solutions qui je le sais n'existent pas. Rosheen elle reste immobile près des instruments disposés dans un coin de la salle. Après quelques secondes ainsi, ma sœur finit par venir à ma rencontre et pose ses mains sur chacun de mes bras afin de m'arrêter, l'air plutôt déterminée.

 

- Aslinn, calmes toi enfin ! Si notre grand-mère ou n'importe qui d'autre arrive et te trouve ainsi, ils sauront qu'il est arrivé quelque chose, me sermonna-t-elle en me regardant droit dans les yeux.

 

Je soupire et me force à rester tranquille.

 

- Rosheen… je n'ai pas pu le rencontrer…

 

- Je sais bien… mais tu trouveras une autre occasion, je n'en doute pas. Je sais que grand-mère t'a dit que les humains vivaient moins longtemps que nous, mais il ne va pas disparaître non plus, essaya-t-elle de me rassurer.

 

Je hoche la tête en essayant de me raisonner. Certes, il faudra certainement plusieurs semaines avant que je ne puisse retrouver une telle occasion pour retourner à la surface, mais Rosheen a raison, il ne va pas disparaître. Nous avons le temps de discuter un peu encore, quelques minutes dont je profite pour raconter plus de détails à ma sœur sur ce qu'il vient de m'arriver. Elle me prévient que je devrais me méfier de cet humain que j'ai rencontré à deux reprises et qui a essayé de me parler, et essaie encore de calmer mes ardeurs quant au beau jeune homme, le Prince Méallan, ce qui me fait sourire.

 

Au bout de ces minutes de complicité, Cathleen apparaît à l'entrée de la salle de danse pour demander à Rosheen de la suivre. Elle est attendue par notre grand-mère qui souhaiterait lui parler d'une de ses parures pour le mariage d'Eireen qui s'approche de plus en plus, il ne s'agit plus que d'une poignée de jours à présent. Rosheen s'en va donc avec Cathleen qui m'assure qu'elle reviendra vers moi dès que ma sœur sera auprès de notre grand-mère. J'acquiesce et décide de l'attendre ici. De toute manière, j'ai besoin de temps pour penser à cette incroyable fin d'après-midi. Grâce à Rosheen, je me sens plus calme, mais je suis toujours aussi déçue de n'avoir pas saisi la chance qui s'offrait à moi…

 

- Princesse Aslinn ? demanda Maureen, me tirant des pensées dans lesquelles je viens tout juste de me plonger.

 

- Qu'y a-t-il ? demandai-je surprise de la trouver ici.

 

Depuis notre connivence dans la bibliothèque et la précieuse aide qu'elle m'y a apporté, Maureen s'est volatilisée, si bien que je ne l'ai retrouvée nul part dans le château. Il faut dire qu'avec le peu de temps libre que me laisse la préparation du mariage d'Eireen et mes propres tourments, je n'ai pas eu non plus beaucoup d'occasion pour la chercher. Je n'en sais donc pas plus sur elle et sur la manière dont elle en est venue à savoir tant de choses qu'elle devrait ignorer… Toutefois, tout s'est révélé véridique.

 

- Je sais quelque chose qui pourrait vous être utile, m'expliqua-t-elle en nageant rapidement jusqu'à moi. Je connais quelqu'un qui serait capable de vous rendre humaine.

 

Je la dévisage, plus que perplexe. Me rendre humaine ? Cela me paraît totalement inconcevable. Il n'y a aucun moyen d'échanger ma nageoire contre une paire de jambes, je le sais mieux que personne…

 

- C'est impossible, répondis-je en fronçant les sourcils.

 

Je l'observe attentivement… Maureen, bien qu'elle m'ait rendu un immense service, m'inspire à présent la plus grande méfiance. Je me demande encore comment il est possible qu'elle sache tant de choses… Et pourquoi venir me tenir ce genre de discours ?

 

- La sorcière des océans qui vit dans la forêt d'algue noire à l'est d'Atlantis en a le pouvoir. Elle peut accomplir des miracles… elle a rendu sa nageoire à ma sœur… raconte-t-elle en jetant des coups d’œil nerveux vers l'entrée de la salle.

 

- La sorcière… j'ai entendu parler d'elle. J'ignorais qu'elle est plus qu'une légende… C'est elle qui vous envoie ?

 

Les traits de Maureen se crispent en même temps qu'elle secoue vivement la tête. Elle s'apprête à poursuivre lorsque Cathleen entre dans la salle.

 

- Maureen ! Vous ici ! Ce n'est pourtant pas votre poste. Retournez immédiatement dans l'aile Ouest ! Tonna-t-elle d'une voix autoritaire qui n'admet aucune réplique.

 

Ainsi je vois la seule personne capable de me fournir quelques explications s'en aller la tête basse, et je devine sans mal que ce jour sera son dernier dans le service du palais.

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