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Chapitre 32 - De tout son coeur

Aslinn

Trois journées interminables s'écoulent sans que je ne puisse voir le prince Méallan. Tout le jour, il est occupé par des courtisans, la reine, ou par des jeux auxquels je ne comprends rien, ainsi que de longues matinées en forêt à la chasse. Pour ma part, je noie mon ennui dans des distractions de peu d'intérêt lorsque je ne suis pas moi-même prise à parti par quelques nobles curieux qui me posent des questions ou essaient de m'apprendre des choses de leur monde. Le matin, je marche un peu dans le jardin ou sur la plage avant le déjeuner, puis Sean m'accorde en début d'après-midi une ou deux heures où il m'apprend à déchiffrer leur langue dans les livres que me lisait Méallan avant l'arrivée de la cour, après quoi il est souvent obligé de me laisser, lui même accaparé par le château et tous ces gens dont il faut s'occuper, sans compter ses affaires habituelles.

 

J'assiste aux dîners mais je ne suis plus installée à côté de la reine, seulement quelques places plus loin au milieu d'humains desquels je ne peux espérer la moindre conversation. Je trouve le temps long et parfois je désespère de pouvoir un jour retrouver la proximité que j'avais avec Méallan avant que tout ce monde n'arrive au château. Sean essaie chaque soir de me rassurer lorsqu'il vient dans ma chambre avec l'eau chaude pour mes jambes, mais je lis dans son regard ses propres inquiétudes à mon sujet et cela me touche mais ne peux m'aider d'aucune façon dans ma situation.

 

Le matin du douzième jour de ma vie humaine, je me lève le cœur lourd. Je ne sais plus comment espérer encore, mes sœurs me manquent terriblement et je donnerais bien des choses pour quelques minutes en compagnie du prince, pour observer encore ses beaux traits, ses yeux bleus qui semblent me parler lorsqu'il me dévisage, son sourire qui a le don de me rendre heureuse… mais c'est comme si tout cela n'avait pas réellement existé, ou avait appartenu à une autre vie qui n'était pas la mienne. Comment les choses du monde de l'air font-elle pour être si éphémères ?

 

Je quitte mon lit sans conviction. Il fait à peine jour à travers les rideaux que j'ouvre en grand pour laisser entrer la lumière du soleil. Encore en chemise de nuit, je passe la porte fenêtre pour aller sur le balcon. L'air frais du matin me saisit et je sens ma peau se hérisser alors qu'un frisson me parcours. Le soleil est pâle et encore assez bas dans le ciel, entouré de quelques nuages blancs. Je me sens proche de lui. Je tends mon visage les yeux fermés vers ses rayons et en savoure la chaleur qui me réchauffe un peu.

 

Je sursaute en entendant une main frapper à ma porte. Il est bien trop tôt pour que qui que ce soit vienne me rendre visite, même Sean ne vient jamais à une telle heure du matin. Un peu perplexe, je rentre dans ma chambre et m'approche de la porte sans un bruit. Après quelques secondes, on toque de nouveau et je reconnais la voix de Méallan qui m'appelle :

 

- Miss Nérina, êtes-vous réveillée ?

 

Je sens l'émotion me monter au visage en même temps que ma poitrine se resserre et sans réfléchir plus, j'ouvre la porte. Après avoir lancé un regard de chaque côté du couloir, Méallan entre et referme la porte derrière lui. Il est déjà entièrement habillé et il porte même une cape. Il passe sûrement me voir avant de partir pour la chasse, mais son attention me touche.

 

Dès que nos yeux se croisent, il me sourit et je ne peux m'empêcher de le lui rendre. Ses mains attrapent doucement les miennes et je sens que quelque chose passe naturellement entre nous. La porte fenêtre que je n'ai pas refermée laisse passer un courant d'air qui fait voleter mes cheveux autour de mon visage, mais ni Méallan ni moi ne bougeons.

 

Après quelques secondes, alors que la brise est retombée, il lève la main vers mon visage et repousse précautionneusement quelques mèches derrière mon oreille. Je me sens incroyablement bien maintenant. Être si proche de lui me donne le sentiment de revivre. Je sais à nouveau que je suis bel et bien où je me dois d'être, malgré toutes les difficultés et douleurs que cela implique.

 

- Nérina, je sais que je n'ai pas pu vous accordez de temps ces derniers jours et j'en suis désolé. Tous ces courtisans accaparent mes journées d'une façon que je voudrais pouvoir changer, mais après tant d'absence, il est normal que je sois attentif à eux, m'expliqua-t-il sans lâcher mes mains.

 

Je hoche la tête. C'est quelque chose qui n'existe pas là d'où je viens. Sous l'océan, les rois et reines des sept royaumes se doivent à leurs sujets, mais les nobles sont reçus de temps à autres au palais, rien de plus. Nous ne vivons pas perpétuellement entourés de monde à chaque heure de la journée. Je trouve cela étrange et je ne m'imagine pas avec tant d'humains autour de moi, à qui je ne pourrais pas même adresser un mot. Mais si cela est une condition de plus pour être avec lui, je l'accepterai.

 

- Mais ce matin, j'ai décidé que mon temps serait tout à vous. Je souhaiterais, si vous le désirez aussi, vous emmener pour une balade dans la forêt. Larson est déjà levé, il nous accompagnera, nous irons simplement à cheval et nous pourrons être ensemble comme avant, me proposa-t-il en me désignant le rez-de-chaussé avant de se tourner de nouveau vers moi.

 

Le bonheur m'inonde ! Moi qui n'espérait pas plus de quelques minutes, il m'offre toute une matinée de sa présence ! De toute évidence, je lui ai manqué aussi et cela fait tellement de bien de se savoir chérie. J'accepte aussitôt sa proposition et c'est seulement à ce moment là qu'il réalise que je suis encore en chemise de nuit. Je ris et il sort afin d'aller chercher Émilie pendant que je vais jusque mon armoire pour sortir une robe, la première qui me vient sous la main, ainsi que des chaussures.

 

Quelques minutes s'écoulent avant qu'Émilie n'arrive, une pile de vêtements déjà entre les mains. Je la fixe un peu surprise avant qu'elle ne referme la porte derrière elle.

 

- Miss Nérina, il faut des vêtements particuliers pour monter à cheval, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous aider, fit-elle en se dirigeant vers moi d'un pas rapide.

 

En peu de temps, je suis vêtue de la tête aux pieds et Émilie coiffe mes cheveux de sorte à ce qu'ils ne me dérangent pas pendant la balade. J'ai une robe très différente de d'habitude, bien plus légère, et sous elle j'ai également un vêtement proche des jambes, qui ressemble à ceux que mettent les hommes. Quant aux pieds, je me dois de supporter ce qu'Émilie appelle des bottes, de grandes chaussures qui montent jusqu'à mon mollet et me serrent douloureusement, mais qui sont apparemment nécessaires. Je ne proteste pas, trop pressée de pouvoir m'éloigner du château en compagnie de Méallan !

 

- Et voilà, vous êtes prête, déclara Émilie en se redressant.

 

Je me lève aussitôt, la remercie en lui serrant brièvement le bras avant de foncer vers le couloir, ignorant mes jambes qui protestent. En moins d'une minute, je suis en bas des escaliers et retrouve Méallan qui m'y attend. Emportée par mon enthousiasme, je cours jusque lui et le prends dans mes bras. Il me rend mon étreinte et je suis l'humaine la plus heureuse du monde lorsque nous sortons du château pour gagner les écuries.

 

Là-bas, Larson nous attend, occupé à préparer un cheval. Je ne peux pour ma part m'empêcher de me diriger vers le petit enclos qui a été aménagé pour mon lapin. Je l'y retrouve occupé à manger quelques brins d'herbes et morceaux de carotte. Je lui tends ma main et il s'en approche à petits bonds, avant de me laisser le caresser quelques instants. Je souris en grattant ses oreilles jusqu'à ce que Méallan ne m'appelle.

 

Larson lui tient les rênes pendant qu'il monte sur l'animal et je m'approche d'eux un peu incertaine. Vais-je devoir moi aussi monter sur un cheval ? Je ne l'ai jamais fait, je ne connais que la calèche. Mais une fois que Méallan est installé, Larson me présente sa main et je le dévisage un moment sans comprendre.

 

- Venez Miss Nérina, vous allez monter avec moi, m'explique Méallan en me lançant un regard plein d'assurance.

 

Je hoche la tête et m'appuie sur la main de Larson, puis me hisse comme je le peux en glissant le bout de mon pied dans une sorte de cercle en métal qui pend sur les côtes du cheval. Sans trop comprendre comment, je me retrouve assise derrière Méallan, sur la pièce de cuir qui recouvre le dos de l'animal, une jambe de chaque côté. Larson attrape mon pied gauche pour l'insérer dans la boucle sur laquelle j'ai pris appui, puis il fait le tour pour installer mon pied droit.

 

- Allez-y votre Majesté, je vous rejoins, assura-t-il ensuite en nous désignant la sortie.

 

Méallan acquiesce en attrapant les rênes, avant de faire avancer le cheval d'un léger coup de pied sur ses flancs. Surprise par le mouvement, je m'accroche à la taille de Méallan que j'entends rire contre moi.

 

- Ne vous inquiétez pas, vous allez vous habituer au pas de l'animal, vous ne risquez rien. Et n'hésitez pas à vous appuyer contre moi.

 

Il m'explique brièvement comment je dois agir, lorsque le cheval marche, ou lorsque il accélère, moment où je dois m'appuyer sur les boucles qui retiennent mes pieds. Je hoche la tête en signe de compréhension lorsqu'il se tourne brièvement vers moi, puis me laisse aller contre lui.

 

Nous sortons de l'écurie, puis gagnons tranquillement le sentier qui mène au village. Larson nous rejoint rapidement, mais marche à bonne distance de nous, ce qui nous laisse toute l'intimité que nous pouvons souhaiter après ces jours sans pouvoir échanger plus de quelques mots.

 

Méallan en profite justement pour faire la conversation et je me contente d'apprécier le son de sa voix au même titre que ses propos. Il me raconte ces derniers jours de son point de vue, les réactions qu'a eues sa mère à mon sujet et dont il est très satisfait, ce qui me gonfle le cœur en même temps que je souris dans son dos. Il me dit aussi que je lui ai manqué, qu'il a beaucoup pensé à moi et craint que je ne me sente abandonnée par lui, après toutes ces journées passées ensemble depuis mon accident, et qui doivent selon lui être la seule mémoire que j'ai.

 

Nous traversons ainsi le village en un peu moins d'un quart d'heure, puis gagnons la forêt, évoluant sur les sentiers dégagés qui la traverse. C'est ici que Méallan lance le cheval au trot, ce qui me force à me servir de mes jambes. L'exercice est douloureux, mais je m'accroche à Méallan et essaie d'admirer autant qu'il m'est possible la forêt qui nous entoure, pleine de verdure.

 

Je ne sais combien de temps nous chevauchons ainsi dans la forêt, mais lorsque nous arrivons proche d'une petite rivière où Méallan ralentit l'animal, je souffre affreusement. Tout le bas de mon corps n'est plus que douleur et je ne sais pas si je vais réussir à tenir debout si nous descendons du cheval. Nous marchons au pas sur encore quelques mètres jusqu'à arriver à un bras de la rivière où des rochers offrent un endroit où s'installer.

 

Méallan arrête l'animal, puis en descend en quelques mouvements souples avant de me tendre sa main. J'essaie de lui sourire, mais j'ai horriblement mal. Précautionneusement, je relève ma jambe gauche pour la passer au dessus du dos du cheval sur lequel je me retrouve assise.

 

- Très bien, laissez-vous simplement glisser à présent, m'encouragea-t-il en restant proche de l'animal les bras dirigés vers moi.

 

Je me pince légèrement les lèvres en espérant que je vais réussir à tenir sur mes jambes que je sens à peine. Les mains de chaque côté de la pièce de cuir, je m'appuie doucement sur elles et laisse mon corps basculer vers le sol. Comme je m'y attends, mes jambes se dérobent immédiatement sous moi et je grimace sous la douleur violente qui me remonte jusqu'à la poitrine au moment où Méallan me rattrape.

 

- Nérina ! s'exclama-t-il en réalisant que je ne peux tout simplement pas me servir du bas de mon corps.

 

Il se penche alors de sorte à passer son bras dans le creux au milieu de mes jambes puis me soulève sans difficultés.

 

- Vous avez besoin d'aide, votre Majesté ? demanda Larson toujours à cheval à quelques mètres de nous.

 

- Non, cela ira, je vais m'occuper d'elle, répondit-il en se dirigeant vers la rivière.

 

Je m'accroche à lui et fais tout mon possible pour ne pas laisser de l'eau partir de mes yeux. Avec soin, Méallan me dépose sur le rocher que j'ai aperçu lorsque nous sommes arrivés et commence à m'enlever mes bottes. Il les retire lentement, de sorte à me faire le moins mal possible. J'observe mes jambes, elles sont comme d'habitude, pâles et frêles. Pourtant j'ai l'impression d'avoir mille lames de verres plantées dans ma chair.

 

- Avez-vous très mal ? me demanda Méallan, les traits soucieux.

 

Je hoche la tête en me mordant une nouvelle fois les lèvres pour retenir la souffrance qui me monte au visage. Il acquiesce avant de remonter le tissu qui recouvre ma peau en veillant à ne pas me toucher.

 

- Vous devriez mettre vos jambes dans l'eau. Je pense que la fraîcheur de la rivière leur fera le plus grand bien, m'expliqua-t-il avant de me faire signe de me tourner vers le courant.

 

Je m'y applique en essayant de bouger le moins possible le bas de mon corps et effectivement, lorsque je plonge mes jambes dans l'eau claire, une sensation d'incroyable apaisement m'envahit. Je souffle lentement, puis ferme les yeux quelques secondes.

Lorsque je les ouvre à nouveau, Méallan est assis à côté de moi, les jambes dénudées qu'il laisse glisser dans l'eau à côté des miennes. Je lui souris, pleine de reconnaissance, et à nouveau capable de savourer pleinement le bonheur de sa présence.

 

- Je suis désolé, je ne pensais pas que monter à cheval vous ferait souffrir, s'excusa-t-il en venant caresser ma main du bout de ses doigts.

 

Je secoue la tête en haussant les épaules. Tout va bien à présent, je me sens déjà beaucoup mieux.

 

- J'aime particulièrement venir ici. C'est pour cela que je tenais à vous montrer cet endroit. Tout y est si calme… la nature est partout et dans toutes les formes que je lui préfère, l'eau qui suit inlassablement son cours, les arbres qui montent si haut qu'on ne voit plus le ciel, les odeurs, les fleurs, le chant des oiseaux…

 

Je le dévisage sans rien essayer de dire. Ses traits sont doux, un sourire flotte sur ses lèvres, et j'aperçois par instant le blanc de ses dents. Ses cheveux sont éparpillés autour de sa tête. Aujourd'hui il n'y a pas de vent pour venir faire voltiger ses belles mèches blondes. Ses yeux sont tournés vers le ciel même si ils ne peuvent rencontrer que du vert, partout autour de nous. Je ne pense à rien d'autre que lui et n'ai pas besoin d'autre chose.

 

- … mais vous savez Nérina, aujourd'hui ce que je préfère de cette forêt, c'est vous.

 

Son regard revient vers moi et rencontre le mien pour ne pas le lâcher.

 

- J'aime chacun des instants qu'il m'est donné de passer avec vous. J'aime vous voir sourire, l'éclat qui ne cesse de briller dans vos yeux, votre nature si douce et parfois si vive…

 

Tout en parlant, il se rapproche doucement de moi et j'apprécie cette proximité. Je me sens tellement spéciale à son côté. Je suis certaine d'exister.

 

- J'aime la façon dont vos longs cheveux encadrent votre visage, continua-t-il en attrapant une mèche sur laquelle il laisse lentement glisser ses doigts avant de la placer derrière mon oreille, et votre visage, la rougeur qui pare vos joues lorsque vous êtes émue, comme à présent…

 

Il n'y a presque plus de distance entre nous. Son visage est si près du mien que je sens son souffle chaud alors qu'il me parle, et je suis certaine de ce qui va arriver. Je ferme les yeux, mais je m'ouvre à tout le reste. J'entends les oiseaux, l'eau qui coule pour aller rejoindre l'océan, les mille bruits qui parcourent la forêt à chaque instant, et puis seulement le battement de mon cœur, quand les lèvres de Méallan viennent se poser sur les miennes. Il me donne d'abord un léger baiser du bout des lèvres, puis sa main passe sur ma nuque et enfin je goûte au bonheur d'être embrassée par lui.

 

Pendant un moment court et infini, je ne suis plus que sensations, agrippée à ses larges épaules, exactement là où je dois être.

 

Je suis surprise de me retrouver à bout de souffle quelques instants plus tard. Je le fixe ébahie, heureuse, le cœur rempli d'amour battant la chamade dans ma poitrine. Lui a l'air incroyablement sérieux, mais je lis dans ses yeux tout ce qu'il m'aime. Ne pouvant résister à toutes ces émotions qui m'envahissent aussi bien dans l'esprit que dans le corps, je viens me blottir dans ses bras qui se resserrent aussitôt autour de moi.

 

- Je vous aime, dit-il simplement, parce qu'il n'y a besoin de rien d'autre.

 

Je donnerais à ce moment n'importe quoi pour pouvoir lui répondre que moi aussi. Quelques secondes de voix pour l'exprimer, mais je les ai abandonnées pour pouvoir le vivre. J'enfouis un peu plus mon visage contre son torse en serrant ses mains que j'attrape. Je sais qu'il sait.

 

Nous restons ainsi de longues minutes et j'oublie que la vie existe, qu'un peu plus loin il y a un grand château qui borde l'océan…

 

- Nérina…

 

Sa voix presque chuchotée me fait revenir à la réalité. Je lève mon visage vers lui et croise son regard serein. Il m'aide à me redresser, s'enquiert de mes jambes qui vont à présent bien mieux. Je n'ai presque plus mal, il n'y a plus que la douleur habituelle. Je les sors de l'eau, puis me lève sur le rocher en faisant attention de ne pas tomber. Méallan va vers Larson dont je me souviens seulement de la présence. Il est installé contre un arbre, proche des chevaux qui mangent de l'herbe tranquillement. Il sort d'une sorte de sac en toile accroché à la pièce de cuir de son cheval une grande couverture grise, que Méallan saisit pour venir me sécher les jambes. Je trouve son attention des plus charmantes. Je ne peux me résigner à remettre les bottes qui sont pourtant les seules chaussures que nous avons pour moi ici.

 

J'ai conscience que nous allons devoir retourner au château, mais je refuse d'y penser tant que nous sommes là. J'observe Méallan sécher ses propres jambes pendant que je marche dans l'herbe tendre mais parsemée de brindilles qui me piquent un peu les pieds. Avisant un joli buisson chargé de fleurs, je me dirige vers lui et cueille avec précaution une fleur épanouie avant de la glisser dans mes cheveux comme il est coutume de le faire à Atlantide pour les grandes occasions.

 

Méallan me rejoint et s'en amuse avant de me reprendre les mains. J'aime cette proximité nouvelle entre nous. Il me paraît tellement normal de le toucher, de passer mes doigts sur le grain de sa peau, et je me permets même de promener ma main dans ses cheveux afin de replacer quelques mèches comme il le fait souvent avec moi.

 

- Nérina… j'ai encore quelque chose à vous dire, me dit-il en redevenant sérieux.

 

Ses traits joyeux un instant plus tôt sont lisses à présent, presque tendus, ce qui m'inquiète soudainement beaucoup. Je fronce les sourcils en le fixant, cherchant à comprendre à quoi je dois m'attendre.

 

- Ou plutôt à vous demander, se reprit-il.

 

Je sens tout mon corps s'emballer, surtout ma poitrine, et je tente de maîtriser les émotions qui déferlent en moi. Je ne peux m'empêcher d'espérer… et si il me demandait en mariage ?

 

- Nérina, vous avez volé mon cœur, je l'ai su peu de temps après notre rencontre… lorsque j'ai rêvé de vous. Depuis que je suis au château, je n'ai cessé d'être attiré, envoûté par l'océan. Je m'y suis attaché d'une façon que je ne saurais expliquer par des mots… et vous êtes venue de l'océan, je vous ai trouvée sur cette plage et vous ignorez tout de votre passé, mais cela n'a pas d'importance. Vous êtes mon océan, celui dont j'aurai toujours besoin et dont je ne saurais me passer. Vous êtes tout ce que je ne pourrais jamais désirer, et je suis certain de vouloir passer le reste de mes jours auprès de vous.

 

Je le regarde, les yeux pleins d'eaux. Comment peut-on toucher un tel bonheur ? Il est toujours aussi sérieux, mais je sens tout ce qu'il ressent, comme si j'étais dans ses propres pensées. Il me dévisage quelques secondes de plus, puis se baisse et pose sur l'herbe l'une de ses deux jambes, sans jamais quitter mon regard un seul instant. Je ne sais quoi penser, mais avant que je n'ai pu réfléchir au sens de ses actes, il me demande la seule chose qui compte vraiment depuis que je suis ici :

 

- Nérina, voulez-vous devenir ma femme ?

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