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Chapitre 26 - Le destin d'Aslinn

Sean

La lune éclaire le ciel depuis plusieurs heures lorsque je me glisse hors de mes appartements, puis hors du château pour rejoindre la crique. J'ai trouvé un nouveau petit coquillage blanc sur ma fenêtre ce matin, je suis convoqué. Tout est incroyablement silencieux en dehors du son de l'océan.

 

Une fois arrivé plus loin sur la plage, j'attends patiemment qu'elle arrive. Cela ne prend de toute manière jamais beaucoup de temps.

 

Je sais qu'elle est là lorsque j'aperçois un mouvement trouble au milieu de la régularité des vagues. Un instant après, elle se hisse sur le rocher qui émerge au milieu de l'eau, à quelques mètres de moi.

 

- Bonsoir Sean, lança-t-elle de cette voix si grinçante dont j'ai horreur.

 

- Bonsoir, lui répondis-je en baissant lentement la tête en guise de salut.

 

Je ne vois qu'à peine les traits de son visage, mais cela ne me dérange pas. Ils n'expriment de toute manière que bien peu de choses et je me sens toujours mieux lorsque je n'ai pas à affronter son regard qui me glace le sang.

 

- Voilà cinq jours qu'Aslinn est dans ton château, je viens pour avoir des nouvelles.

 

Je réfléchis un instant avant de lui rapporter ce qui me paraît le plus essentiel. Mieux vaut aller droit au but avec elle. Le temps est une obsession pour cette sorcière.

 

- Le prince et elle passent le plus clair de leurs journées ensemble. Ils s'entendent très bien. Je pense qu'il commence à avoir des sentiments pour elle, racontai-je en braquant mon regard dans sa direction.

 

Un court silence s'en suit. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle en pense. Le vent souffle autour de nous, il fait froid, mais je reste droit.

 

- Tu penses qu'il a des sentiments pour elle ? dit-elle comme une question.

 

- Je crois les avoir aperçus rentrer en se tenant la main ce soir, après une promenade sur la plage, m'expliquai-je, mais j'ai senti au ton de sa voix qu’elle n'est pas satisfaite.

 

- C'est bien peu de choses… Cinq jours, il ne lui en reste que douze. Il faut que les choses avancent plus vite, reprit-elle. Trouves un moyen de les rapprocher davantage. Je me moque de ce que tu feras pour y parvenir mais fais-le, m'ordonna-t-elle en se redressant.

 

Bien que je ne vois que sa silhouette, je la sens menaçante. Elle ne supporte pas que les choses ne se plient pas à sa volonté et même si j'ignore tout de ses plans, je sais que la situation lui échappe à présent. Sur la terre, elle n'est pas grand-chose, ses pouvoirs ne servent à rien ici.

 

- Je vais le faire, répondis-je, m'efforçant d'être convainquant.

 

Je ne veux pas voir ma liberté me filer entre les doigts. Peu importe ce que je pense de tout cela, je dois rester concentré sur cet objectif. Je l'entends pester même si je ne comprends pas ce qu'elle dit. J'attends de longues secondes avant de reprendre la parole pour changer de sujet.

 

- Il y a autre chose… commençai-je en attendant de capter son attention.

 

Sa tête se redresse imperceptiblement.

 

- J'ai aperçu d'autres sirènes près des plages du château. Cela fait trois jours qu'elles viennent très tôt le matin ou le soir un peu avant le coucher du soleil, l'informai-je.

 

- Je vois, ce doivent être ses sœurs… m'apprit-elle, visiblement indifférente à la nouvelle.

 

- Aslinn peut-elle les voir ? demandai-je en imaginant sans mal le plaisir que cela lui ferait de revoir sa famille dont elle m'a parlé à plusieurs reprises ces derniers jours.

 

Un long silence de réflexion s'en suit. Je suppose que la sorcière n'avait pas prévu cette visite. L'idée que la famille d'Aslinn soit à sa recherche me laisse perplexe. J'avais imaginé qu'ils étaient au courant, mais cela me rappelle que je n'ai rien voulu savoir de plus que le nécessaire lorsque la sorcière m'a parlé de cette petite sirène que j'aurais à héberger une fois devenue humaine…

 

- Elle peut les voir, cela pourrait même être une bonne chose. De toute manière, je ne vois pas en quoi elles pourraient nuire à mes desseins. Mais fais en sorte que cela ne dérange pas Aslinn dans ses projets. Si elle doit les voir, que ce soit lorsqu'elle ne peut être en compagnie de son prince, finit-elle par me répondre. Et surtout, fais en sorte que les choses avancent. Il doit l'épouser dans les douze prochains jours, comprends-tu ?

 

J'acquiesce en silence. Elle n'ajoute rien et après quelques minutes, disparaît comme elle est venue dans la noirceur de l'océan. Je retourne donc au château, soulagé que cette entrevue soit terminée et songeant que ma dette ne tardera pas à être payée. Dans douze jours, je serai libre… mais à quel prix ? C'est ce que je commence à me demander et si une part de mon esprit préfère simplement ignorer cette question, ma conscience prend de l'ampleur dans mes sentiments à mesure que je m'attache à cette jeune fille qui ne prononce pas un mot et semble être sans en avoir conscience entre les mains d'une bien cruelle créature.  

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