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Chapitre 41 - Le destin de la Sorcière

Un rire bref, une fulgurance, s'échappe de sa gorge alors qu'elle contemple le corps inerte de la petite sirène sur le sable froid. Elle en est à présent la copie conforme et personne ne pourra jamais savoir qu'elle n'est qu'une usurpatrice.

 

Qui parmi tous ces humains pourrait remarquer la lueur du diable au fond de sa pupille ?

 

Elle pose ses yeux sur le jeune homme avec un sourire de totale satisfaction. Il n'est qu'un être faible qu'elle a asservi pour jouer ce soir le tournant de sa destinée. Elle n'avait jusque-là jamais vu créature plus affligée que lui, mais cela ne rend peut-être que meilleure cette victoire sur cet incapable qui a failli faire échouer tous ses desseins par sa maladresse.

 

- Tu peux nous laisser à présent, répéta-t-elle sans quitter son visage des yeux.

 

Lui n'a de regard que pour la petite sirène allongée par terre. Il a toujours les doigts serrés sur la branche de bois humide dont il a dû se servir pour l'assommer. Ses jambes tremblent, son buste aussi. Elle lève les yeux au ciel en s'imaginant qu'il pourrait encore se mettre à pleurer. Elle espère que d'obtenir une âme ne la rendra pas si sensible, car cela doit être épuisant.

 

Finalement, il tombe à genoux et caresse les cheveux de la petite sirène en s'excusant. Il est pitoyable. Bien qu'elle soit pressée par le temps, elle observe la scène sans un mot. Ses doigts d'homme tremblent entre les longs fils blonds.

 

Elle pousse un long soupire et s'approche de lui avec une grâce nouvelle. Il ne bouge pas, peut-être ne la craint-il plus à présent. Elle s'en moque, même un homme désespéré ne pourrait plus rien contre elle. Du bout des doigts, elle retire une petite sphère de verre très fin et transparent d'un pli de son vêtement, fabriqué de toile rêche et trempé d'eau salée. Elle s'approche alors de lui, puis pose un genou douloureux sur le sable. Après une ou deux secondes, il lève les yeux vers elle, des yeux pleins de son chagrin et de sa culpabilité, mais qui la laisse froide comme tout le reste autour d'elle en dehors de sa quête.

 

Elle ferme un moment les yeux et l'entend se tordre de douleur sous la puissance de la torture qu'elle lui inflige, ses doigts influent sur la sphère qu'elle tient toujours dans sa paume. Elle doit être sûre qu'il ne la suivra pas, qu'il ne tentera rien contre elle. Qu'il ne gâche pas tout une nouvelle fois. Après de longues minutes, elle finit par ouvrir de nouveau les yeux. Les gémissements cessent. Le corps du jeune homme est trempé de sueur. Il est immobile, cherchant laborieusement son souffle. Seulement alors, elle s'approche de lui, tout près de son visage encore crispé.

 

- Comme promis, je te rends ta liberté, prononça-t-elle en brisant la sphère entre ses doigts, les éclats de verre se répandant dans le sable en une pluie de morceaux brillants. Je n'aurais que faire d'un homme brisé… lâcha-t-elle ensuite par pure méchanceté.

 

Alors elle se met à nouveau debout et sans se soucier de lui, soulève le corps de la petite sirène toujours inerte pour l'emmener.

 

- Ne lui faites pas de mal ! retentit la voix étranglée du jeune homme, toujours allongé sur le sable.

 

Elle se tourne une dernière fois vers lui, le dévisage de haut en bas, puis revient plonger ses yeux glacés dans les siens.

 

- Retournes au château… j'y serai demain matin, à la place de la petite sirène. Saches que si tu essaies de me dénoncer, on te prendra pour un fou. Quant à elle, tu pourras essayer de la trouver pour lui dire au revoir… si tu en as la force.

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